Les Fellows d’Action Canada, les conseillers et le personnel chantent une interprétation de la chanson de Stan Rogers “Passage du Nord-Ouest” sur le pont d’envol du NGCC Louis S. St-Laurent le 6 septembre 2013.
Jeudi soir, le Louis a jeté l’ancré dans la baie Erebus et Terror. Nichée près de l’île Beechey, le nom de la baie est un hommage aux H.M.S. Erebus et H.M.S. Terror, les navires malheureux de l’expédition vouée à l’échec de Sir John Franklin pour trouver le Passage du Nord-Ouest au milieu des années 1840.
Comme nous l’avons jeté l’ancre, beaucoup d’entre nous ont rejoint Capitaine Rothwell et l’équipage sur le pont. À la proue du navire, sur la plage enneigée, les officiers nous ont pointé du doigt les tombes marquées de trois des hommes de Franklin, et le reste de leur maigre abri, endurant témoignage de leur dernière bonne ration d’espoir, et de la cruelle réalité de leur sort. Dans la pénombre immobile qui s’évanouissait, face à l’eau lisse comme du verre, nous avons payé nos respects dans un silence solennel.
L’air est glacial ici, même à la fin de l’été. Sur les deux derniers jours de notre voyage, les détroits ont rétréci et nous avons pu voir la côte rocheuse et désolée. Après que l’obscurité soit tombée mercredi, lorsque nous nous sommes sentis la coque du Louis briser de la glace épaisse pour la première fois, les Fellows d’Action Canada ont couru à l’extérieur, certains avec leurs vestes jetés sur leurs pyjamas, pour vivre l’expérience de la puissance du navire, des morceaux de glace brisée trainant dans notre sillage.
En regardant les tombes et en se rendant compte que sur la colline juste au-dessus se trouve le célèbre cairn de Franklin, il était impossible de ne pas reconnaître que, malgré les capacités impressionnantes du Louis et la chaleur et l’hospitalité de son équipage, nous étions très, très loin de la maison, naviguant dans l’ombre de ceux qui jadis ont cherché le bord du monde et ont, en fait, trouvé leur fin. Et maintenant, plus de 150 ans plus tard, nous étions là, rendant hommage à ces braves explorateurs qui ont laissé, dans les mots de Stan Rogers «un cairn solitaire de pierres, oublié depuis longtemps ».
Le lendemain matin, vendredi, nous avons fait nos adieux. Les officiers et l’équipage du Louis nous ont rejoints sur le pont d’envol pour une photo de groupe. Cathy Beehan, chef fondatrice de la direction d’Action Canada et le capitaine Marc Rothwell nous ont conduit dans une chanson:
Ah, juste pour une fois, je prendrais le Passage du Nord-Ouest
Pour trouver la main de Franklin s’étendant vers la mer de Beaufort
Traçant sa voie dans une terre si vaste et sauvage
Et faire un Passage du Nord-Ouest à la mer.
Après un adieu sincère, l’équipage a continué, s’apprêtant à lever l’ancre pour poursuivre les six derniers jours de leur quart de travail de six semaines. L’hélicoptère du navire à rugit, rotors tourbillonnant et se mit à nous transporter, quatre à la fois, jusqu’à la rive.
Nous avons débarqué à Resolute Bay, l’une des plus petites communautés du Nunavut, et le deuxième la plus au nord. Marchant sur le tarmac enneigé, nous avons rencontré nos hôtes: le personnel du Programme du plateau continental polaire du gouvernement fédéral.
Après le dîner, le vendredi, nous nous sommes réunis dans le salon du PPCP pour un exposé sur son travail. Peu d’avant-postes fédéraux sont plus au nord ou plus distants, et assurer de la recherche de classe mondiale dans un environnement aussi extrême est un exploit quotidien. Depuis plus de cinq décennies, le PPCP a appuyé non seulement d’importantes activités scientifiques du Canada dans l’Extrême-Arctique, mais aussi la formation des Forces canadiennes dans cet environnement hostile. Que le PPCP ait continué à rendre ces entreprises possibles est un succès énorme et durable de la politique publique.
Le samedi matin, certains des dirigeants de Resolute Bay nous ont rappelé un chapitre sombre de l’histoire de la politique pour le Nord du Canada. Dans les années 1950, le gouvernement fédéral a transféré des familles inuites à cet endroit, avec des promesses de faune abondante et d’une vie meilleure. Ils sont arrivés, sans préparation, dans l’un des climats les plus rudes du Canada. Certains n’ont pas survécu. Au bureau du hameau où nous avons rencontré le maire et les aînés de la communauté, leur histoire est littéralement gravée dans la pierre, sur un petit monument à côté du perron de l’édifice, et une copie des excuses officielles d’Ottawa est encadrée à l’intérieur.
Dans le petit gymnase, nous avons écouté attentivement quand un aîné nous a raconté sa propre histoire de survie, ici sur la pointe sud de l’île Cornwallis. Il fut un temps où les instructions venaient d’Ottawa, dit-il, imposé par d’anonymes hommes blancs à des milliers de miles d’ici. Mais depuis la création du Nunavut, nous dit-il, les choses se sont améliorées, ce qui était autrefois un arrangement colonial a continué à évoluer vers un véritable partenariat. La distance implique un certain isolement, mais le rêve de l’autonomie demeure.
Dans cet esprit, et reconnaissant de la sagesse et de cette communauté de son accueil, nous partons pour la piste d’atterrissage et le vol de trois heures qui nous mènera de la communauté gelée de Resolute Bay à Yellowknife la douce et la dernière nuit du voyage d’Action Canada dans le Grand Nord. Nous nous dirigeons peut-être vers le sud, mais nous sommes tous déterminés à garder cet endroit gravé dans nos esprits. Après cette semaine, il ne fait aucun doute: tant que nous nous gardons de laisser l’éloignement de la géographie de l’Arctique s’éloigner de nos préoccupations, ce lieu spectaculaire du Nord du Canada sera toujours, pour nous, un élément central du pays nous appelons la maison.